Je suis entrée dans la petite salle… ma mère la berçait en tenant sa petite main. Mon dieu ! Mon bébé !!!
Une odeur de sang m’a rempli le nez, une odeur indescriptible impossible à oublier. Qui est gravé dans ma mémoire.
Je l’ai prise dans mes bras, il y avait une chaise berçante et je l’ai bercé.
Pour être avec elle, pour lui dire au revoir. Pendant des heures je l'ai bercée, le temps s’était arrêté.
Sa main était toute chaude, son petit corps si froid et si meurtri.
Je n’ai pas versé de larmes. Je n’avais pas le droit, j’étais là pour elle, j’étais avec elle pour la dernière fois...
Ma fille avait deux ans, sept mois et douze jours. Elle était née au moment précis où le soleil se levait par un beau jour de printemps. Elle était comme le rayon de soleil et réchauffait le cœur. Elle avait de magnifiques yeux bleus pétillant, elle était bien plus sage que son âge et avait dont hâte d’avoir 3 ans pour être grande enfin.
Ma tante m’a raconté les détails de l’évènement, mes parents et ma tante se suivaient de peu sur l’autoroute, la famille de mon père s’était réunie à Québec pour le week-end et chacun s’en retournait chez eux. Ils étaient arrivé sur les lieux de l’accident parce qu’ils suivaient sans le savoir la même route que Ian. Ma tante étant infirmière, elle a été le premier secours sur place et a fait les premier soins à ma fille, mais il n’y avait rien à faire elle n’avait pratiquement pas de pouls, elle avait une sérieuse blessure au crâne et ma tante est certaine d’avoir entendu son dernier souffle. Après le départ des ambulances, mon oncle et ma tante ont attendu mes parents sur le côté de l’autoroute. Il y avait un bouchon de circulation causé par l’enquête, mes parents sont finalement arrivés sur les lieux et ils ont aperçu mon oncle et ma tante qui leur faisait des grands signes. Je ne sais trop ce qu’ils se sont imaginés à ce moment-là.
Ma tante leur a dit : ‘’ Martine, c’est ton gendre, il a eu un accident’’
‘’Geneviève était-elle avec lui ?’’
‘’Non, mais Sharly oui, fait vite, c’est grave…’’
Ma mère m’a dit, lorsque nous en avons rediscuté dernièrement, qu’elle était certaine qu’il y avait un mort dans l’accident, elle l’avait pressenti, sans savoir que l’accident était celui de Ian. Avant d’arrivée sur les lieux, ils écoutaient le radio amateur et les camionneurs discutaient de la voiture emboutie et de l’accident. Ils répétaient tous qu’il ne devait pas rester grand-chose des occupants de cette petite voiture.
Ma mère dit ne pas se rappeler d’avoir vue l’auto, mais elle revoit très bien le banc de Sharly qui était à l’extérieur et d’un tas de linge, probablement les restes du manteau. Durant le trajet, ma mère était très inquiète et répétait à mon père que Sharly était morte. À l’hôpital, lorsqu’elle a demandé à voir Sharly et Ian, ils ont dit de patienter dans la salle, parce que les patients venaient tout juste d’arriver, ma mère a répété à mon père que Sharly était décédée, puisqu’on ne pouvait la voir et qu’il fallait attendre le médecin.
Mon père a quant à lui un très bon souvenir de la voiture et particulièrement du toit au niveau du banc arrière, qui était complètement écrasé. Lui aussi croyait que l’accident était très grave.
Je berce toujours ma fille, je suis bien avec elle, figée dans le temps. J’écoute cette histoire, mais c’est comme un compte rendu de roman savon qu’on me raconte, pas l’histoire de la fin de ma fille...
Elle a ses petits pieds nus, il y a deux ongles d’orteils qui sont encore tacheté de bleu de méthylène…
Je souris en repensant à cette journée où tout était bien tranquille dans la maison quand tout à coup nous avons entendu un cri provenant de la salle de bain. Ian et moi avons accouru voir Sharly… Mon dieu, nous avons tellement rit… Sharly étant très curieuse et elle avait fouiné sous l’évier de la salle de bain. Elle avait ouvert et renversé la bouteille de bleu de méthylène qui était pratiquement pleine. Elle en avait sur les orteils et le plancher de céramique blanche était maintenant bleu. Nous n’avons pas eu besoin de la disputé… de tout façon nous étions tellement tordu de rire… Malgré tout elle a eu une bonne leçon, car elle a eu tellement peur de resté toute bleue… comme les schtroumpfs.
J’en ai tellement des bons souvenirs d’elle… mon dieu qu’elle est jolie ses petits doigts sont si mignon. On dirait qu'elle dort. Dors mon bébé, maman veille sur toi. Je t'aime mon amour. Comme tu es déjà grande. Dire qu'avant tu étais dans mon ventre. Dieu qu'on a vécu des choses ensembles. Tu es si belle.
Après je ne sais trop combien de temps, là figé dans le temps avec mon petit ange, je me suis spontanément mise au mode gestion de crise avec une lucidité et une froideur remarquable, j’ai demandé à mon père de rejoindre le père de Sharly pour lui demander de venir voir sa fille.
J’ai demandé si on pouvait donner ses organes. On m’a dit que dans son cas il n’y avait que les yeux qui étaient viable. Ils sont venus mettre un produit dans ses yeux. Elle avait tellement des beaux yeux bleus, j'espère qu'ils vont faire le bonheur de quelqu'un.
Puis, je me suis intéressé à Ian.
Ian a failli y rester lui aussi, la voiture a fait des tonneaux sur 150 pieds, mais dans plusieurs sens… lorsque la voiture à rencontrer le bout du garde-fou, l’arrière s’est soulevé et l’auto s’est retrouvée à l’envers après plusieurs tonneaux. Au premier tonneau elle a retombé sur le garde-fou au niveau du miroir du conducteur, soit à un pied ou deux de la mort probable de Ian.
Il n’était pas loin dans un lit de la salle d’observation, seul, on ne lui avait pas dit, mais il savait. Il m’avait entendu crier.
‘’Je m’excuse… je m’excuse… ’’ m’a-t-il dit.
Mais il s’excusait pour rien, je ne lui en voulais pas. C’était un accident, il ne le souhaitait pas. Comment aurais-je pu lui en vouloir, il avait autant de peine que moi.
Ian a refusé de voir Sharly à l’hôpital, j’imagine qu’il s’en voulait terriblement.
La mère de Ian est arrivée. Je l’ai laissé entre ses mains, avec sa peine. J’ai dit adieu à ma fille une dernière fois et ma mère et mon père m’ont ramené chez eux avec une jolie prescription de somnifères. Il faisait noir à notre départ de l’hôpital.