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Mon rayon de soleil, Sharly, est décédé le 8 novembre 1998. Aujourd'hui, je suis une survivante et je me suis reconstruite tranquillement avec le temps. Je souhaite vous partager cette route rempli de larmes et de bonheur. Bonne lecture
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Extrait d'un chapitre: "1er anniversaire"

Ça fait 1 an maintenant que ma vie n'a plus de sens.

Il fait gris aujourd'hui.

Cette journée ne représente rien pour Sharly.

Sa mort ce n'est pas sa vie.

J'ai quand même pris ma journée, car j'ai beaucoup de peine.

Ma maman a fait chanter une messe...

Je suis allée à l'église pour ma mère. Je crois que ça lui a fait plaisir et j'étais contente de faire ça pour elle. Ma mère aime bien les églises.

J'ai bien aimé voir le nom de ma fille dans le feuillet paroissiale, mais je n'ai pas vraiment vu de différence à la messe. Une simple phrase à la fin seulement. Ça m’a déçu. Ce n’était pas à la hauteur de ma peine.

Il est inutile de souligner plus en profondeur cette journée. L’anniversaire du décès, ce n’est pas un ‘’bon anniversaire’’.

Extrait d'un chapitre: "Yeux couleur soleil"

J’ai commencé mon DEP quelques semaines après les fêtes. Je m’y suis amusée, c’était vraiment simple la matière et j’étais très bonne. Je m’y suis même fait des nouvelles amies.

J’ai rencontré une fille éblouissante qui avait des beaux grands yeux lumineux. Des yeux couleur soleil. Une fille qui dégageait une énergie positive vraiment contagieuse. Elle avait un sourire irrésistible. Un ange dans la classe. J’étais hypnotisée par elle.

Nous sommes devenues bonnes copines et c’est lorsque j’ai su sa date d’anniversaire que j’ai compris. Elle est née le même jour que ma fille…

Elle dégageait vraiment la même énergie que Sharly, elle avait le même rayonnement.

Durant tout mon DEP cette amie m’a fait du bien. Je m’imaginais ce que ma fille aurait pu devenir adulte. Juste la regarder rayonnée sur les gens autour d’elle, c’était merveilleux.

‘’ Je m’ennuie de toi ma grande.’’

Je n’ai pas gardé contact avec cette amie et jamais au grand jamais j’ai revu une adulte comme elle, mais merci la vie de l’avoir mis sur ma route en cette première année si difficile.



Extrait d'un chapitre: "Sarah"

Nous sommes en septembre 1999, ma nièce Sarah va célébrer ses 3 ans... Elle avait 6 mois de moins que Sharly, elles auraient été en même année à l’école. Elle aurait sûrement joué ensemble. Je ne peux aller à cet anniversaire, je ne peux voir le gâteau avec les chandelles.

" Désolée, je ne pourrais pas " Dois-je avoir dît à ma sœur...

Je n'ai pas pu lui en dire plus, je ne pouvais rien lui dire.

J'aurais juste crié de rage. Parce que c'est ce que je ressentais de la colère contre la vie. Parce que Sharly aurait aimé avoir 3 ans. J'aurais aimé être à la place de ma sœur et préparer cette fête de 3 ans moi aussi.

Ça fait mal.

Je suis certaine de faire de la peine et de décevoir ma sœur, mais je ne peux pas, c'est trop difficile.

Ça fait mal.

Je suis désolée Sarah d'avoir manqué ta vie, j'aurais pu profiter de te voir grandir. Vivre un peu la vie de ma fille à travers toi. Je t'aime, tu es une belle adolescente aujourd'hui. Sauras-tu un jour comprendre et me pardonner.

Et si c'est possible, peut-être me faire une place dans ta vie.

Extrait d'un chapitre: "Urgence soleil"

J’étouffe…

Je ne peux plus respirer…

J’ai mal de ses 3 ans…

 ‘’ Jean, trouve-moi un voyage… je veux du soleil, n’importe où fera l’affaire, juste du soleil ’’

‘’ Ian ?? Non, je ne crois pas qu’il viendra, il ne peut pas prendre congé ‘’

‘’ Je sais que ce n’est pas l’idéal, mais je n’ai pas le choix ‘’

‘’ Merci Jean ‘’

J’ai peur, je viens de réserver un voyage dans le sud, à Cuba.

Je pars toute seule.

Je dois partir…

Ça fait trop mal…

Je ne peux pas rester…

Quelques jours avant le départ, Ian s’est organisé pour partir avec moi.

‘’ Merci chéri, je n’y serais pas arrivé sans toi ’’

Le soleil était au rendez-vous à Cuba.

Je respire un peu mieux…

‘’ Merci ‘’

Extrait d'un chapitre: "3 ans"

Ce matin le soleil s'est levé pour le 3e anniversaire de Sharly...

J'ai pris ma journée.

Je lui ai apporté des fleurs, trois ballons et le chiffre trois en chandelle. J'ai mis des collants sur sa pierre tombale. Des jolis collants de caillou. Elle aimait beaucoup caillou. Elle avait reçu pour ses 2 ans une figurine en toutou de lui en pyjama. Caillou dort dans ma table de chevet et je l'embrasse à tous les soirs pour lui dire bonne nuit.

Comment fête-t-on un anniversaire sans personne à qui chanter.

Elle avait vraiment hâte d'avoir 3 ans, parce que, selon elle, à partir de là elle serait une grande fille.

" À 3 ans on n'est plus un bébé, on est une grande fille "

Trois ans, c'est tellement plus grand que 2 ans.... tellement plus que tu ne l'auras jamais...

Est-ce que tu grandis pareil du haut de ton nuage. Est-ce que tu peux voir que maman aimerait fêter ton 3 ans avec toi.

Il fait soleil aujourd'hui.

" Bonne fête ma grande, je m'ennuie de toi et je t'aime "

Extrait d'un chapitre: "Le voyage"

Avant son décès nous avions réservé un voyage dans le sud en amoureux et moi. Étant donné les évènements notre agent de voyage, le père de Ian, a annulé notre projet sans frais. Mais quand les fêtes de Noël se sont approchées, c'était horrible. Je ne voulais pas voir ça. J'étais catégorique, il fallait que je parte au loin. J'avais déjà acheté des cadeaux de Noël pour Sharly...

‘’ NON ! ‘’

C'était non négociable et absolument essentiel, je devais partir, nous devions partir.

Ainsi, nous partîmes pour Cuba juste avant Noël.

Ah le soleil !

C'était mon premier voyage dans le sud et vraiment je ne pouvais m'imaginer les bienfaits. Aucun repère de ma vie d'avant, aucune nostalgie, le dépaysement total. En fait avec le deuil, c'est comme si j'étais perdue au beau milieu de l'océan et tout d'un coup grâce au voyage un bout de planche était passée assez grand pour que je m'y assoie et reprenne mon souffle. Un répit, un vrai, pour réaliser que j'étais encore un peu vivante.

Là-bas je lisais des livres sur la plage ou au bord de la piscine et mon signait c'était une photo de Sharly avec sa carte de remerciement funéraire. Un peu morbide, mais c'est moi. Son décès c'était mon lien avec sa vie. Un lien avec la mienne également.

Si le but premier était de ne pas voir Noël, il fut vide oublié par la découverte du soleil.

À défaut d'avoir mon rayon de soleil vivante, j'ai un contact privilégié avec elle grâce à la chaleur du soleil. Je tends la joue ou la main ouverte vers celui-ci et lorsque je sens sa chaleur, c'est comme une caresse, un clin d'œil qui me fait énormément de bien. Dans le sud c'est rempli de soleil et je suis ainsi connectée direct avec elle.

Extrait d'un chapitre: "Merci"

J’ai reçu une lettre aujourd’hui... un merci.

L’organisme des dons d’organes m’a remercié pour le don des yeux de Sharly.

J’ai pleuré…

Serait-il possible que ses magnifiques yeux bleus est fait le bonheur de quelqu’un. Un miracle dans la vie d’une personne, probablement un enfant, et peut-être même de deux enfants.

Une chose est sûre, ses yeux vont continuer de briller dans un visage.

Ça ne rachète pas sa mort, mais ça fait un peu de bien de savoir que sa mort est positive dans la vie de quelqu’un.

J’aimerais les revoir, mais je me dis que c’est mieux ainsi.

Une simple lettre, un simple merci… mais tout l’or du monde dans cette période si triste.

Extrait d'un chapitre: "Le Condo"

Nous avions donc résilié notre bail à Anjou et emménager temporairement chez mes parents pour 2 mois. Le temps de se trouver un appartement. C'est à Charlemagne que nous avons trouvé un toit où nous loger dans un joli condo moderne et modeste. Un grand 4 1/2 que nous nous sommes amusés à décorer. Nous y avons demeuré un peu plus d'un an. Et nous y avons reçu les amis et la famille assez régulièrement. Malgré la tristesse ce fut une belle année pour nous deux, j'étais à 5 minutes du cimetière et je devais m'y rendre 2 à 3 fois par semaine, les journées de grand-soleil.

Nous avions aménagé la 2e chambre en bureau et en chambre d'invité. Nous avons acheté un lit tiroir pour le glisser sous le lit de Sharly pour recevoir les amis à coucher. Et c'est dans ce lit, un certain après-midi, que nous avons concocté notre premier projet commun d’après décès.

Voyez-vous au moment de son décès Ian et moi étions le couple le plus heureux et unis que je connaisse. Nous venions de traverser une crise en juin et depuis c'était le bonheur, le parfait bonheur. Pour moi, Sharly devait nous quitter, c'était une fatalité inévitable et sans savoir pourquoi j'ai osé croire qu'elle a attendu que notre couple soit fort comme du roc pour que nous restions unis malgré la tragédie. Sharly nous a unis Ian et moi, et c'est pour la vie. J'y crois dure comme fer, c'est une vérité encrée dans mon cœur que je ne peux nier.

Toujours est-il que nous sommes dans l'ancien lit de Sharly à notre condo et nous commençons à discuter de cette vérité, le fait que nous étions toujours ensemble et que nous nous aimions... et j'ai demandé à Ian de m'épouser. Je voulais célébrer notre amour. Malgré toute ma tristesse, mon refus de la vie, mon refus du bonheur, pour ça je pouvais me donner le droit. Après tout c'était le souhait de Sharly de nous voir ensemble, selon mes vérités évidemment.

De plus, je me suis dit que rien ne nous empêchait de reprendre le fil de notre histoire comme normalement nous aurions dû le faire et ainsi le mariage allait de soi. Je crois en cette institution. Je crois que j'avais envie de faire les choses dans l'ordre... c'est comme si en me mariant, en achetant une maison, je pourrais peut-être avoir d'autres enfants qui vivraient vieux, sans en vouloir d'autres pour autant je tiens à vous le préciser. Mais au fond de moi je cherchais l'erreur, la faute que j'ai pu avoir commise pour mériter sa perte. C'est atroce ce que je viens de vous révéler, mais n'empêche que c'est vrai. Je cherchais une explication, la faille qui a créé la série de coïncidence qui a entraîné sa mort et la mienne ce 8 novembre 1998.

Était-ce parce que je suis tombée enceinte à 18 ans d'un amoureux que je commençais à peine à fréquenter.

Était-ce parce que Sharly n'était pas prévue, même si son arrivée surprise m'a remplie de bonheur dès le début.

Était-ce parce que je travaillais à quelques sous de plus que le salaire minimum, que je demeurais encore chez mes parents et que je n'avais pas fini mon secondaire.

Était-ce parce que le père n'avait pas de job stable...

Était-ce parce que ce n’était pas les conditions idéales pour avoir un enfant.

Ou encore était-ce parce que lorsque Sharly a eu 5 mois je me suis séparée du père.

Mais si, après 2 ans de vie commune, on souhaitait se marier.

Mais si, après 2 ans de vie commune, on souhaitait avoir une maison.

Mais si, avec une vraie formation, j'aurais un vrai travail et que je planifiais avec mon conjoint d'avoir des enfants.

Mais si, je fais pour une fois les choses dans le bon ordre, j'aurais peut-être droit au bonheur...

Mais si, il y avait encore de l'espoir bien caché au fond de moi, au fond de toute cette peine...

Mais si, je croyais encore en la vie, la belle vie...

J’aurais aimé trouvé le problème. Il me semble qu’avec un coupable, un responsable ça aurait été tellement mieux. En mettant le doigt dessus comme ça j’aurais pu pour trouver la solution. Et éviter de revivre ce drame.

Je n’en avais aucune conscience, mais c'était là. La mèche était courte on voyait à peine la flamme, mais c'était là. Je voulais croire qu’il était possible que tout ne parte pas en fumée encore…. En m’arrachant le cœur.

Extrait d'un chapitre: "L'école"

À la suite de l’accident, mes parents ont avisé le cégep où je prenais mes cours de ma situation. J’étais incapable de retourner spontanément à l’école. Les professeurs ont été bien touchés par mon histoire. Nous avions un peu plus de la mi-session de fait. La majorité de mes professeurs m’ont demandé des examens spéciaux en janvier pour me permettre de ne pas perdre ma session. D’autres professeurs m’ont mis un code sur mon bulletin d’incomplet permanent. C’est un code qui n’entache pas mon dossier scolaire, mais qui m’oblige à reprendre le cours au complet lors d’une autre session. Mon professeur d’anglais m’a remise spontanément une note ce que j’ai grandement apprécié.

Quand la date des examens spéciaux est arrivée j’étais incapable de les faire. J’avais perdu l’ensemble de mes capacités. J’ai tenté d’étudier un peu, mais c’est comme ci je n’avais aucune concentration. Je devais recommencer à lire chaque ligne à plusieurs reprises sans aucun succès. Ma tête était complètement vide. Je revoyais ma poupoune venir tourner autour de moi, venir s’asseoir sur mes genoux lorsque je travaillais à l’ordinateur et me poser plein de question. Ses beaux yeux bleus et son magnifique sourire… Rien à faire c’était impossible, ça faisait trop mal. Étant donné que je n’ai pu faire les examens, j’ai eu des incomplets permanents dans l’ensemble de ces cours.

J’avais même de la difficulté à remettre les pieds à l’école. C’est comme si tout ces lieux qui faisait parti de ma vie d’avant m’arrachait le cœur. Je me revoyais avec ma fille, je me revoyais heureuse à faire mon petit bonhomme de chemin sans me douter de ce qui m’attendait. La perte était trop immense je devais changer ma vie. De toute façon ma session n’avait plus aucune importance pour moi, en faite tout n’avait plus d’importance. J’ai abandonné mes études. De tout façon c'est ce que j’avais envie de faire… tout abandonner.

Mes études collégiales étaient en psychologie un domaine qui me fascinait avant le jour J. Ce champ d’étude apporte des bonnes introspections personnelles et j’étais très allaise la dedans. J’avais envie d’aider les gens à ce sentir mieux, d’écouter leur problème et malheur pour leur permettre de cheminer là-dedans. Mais depuis l’accident, je voulais faire et j’ai fait une coupure radicale de mes émotions, c'était une question de survie. J’étais devenu tellement insensible aux émotions des autres que je devais trouver autre chose comme plan de carrière.

Avant que le meilleur ami de Ian coupe les ponts, il m’avait montré ses livres d’étude. Il complétait un DEP en comptabilité. Ce domaine a été comme une porte de sorti pour moi. Je me suis fermé le cœur et tout ce passait dans la tête, ma tête fonctionnait très bien. Les chiffres c’est très impersonnel en plein ce que j’avais de besoin. De plus comme c’était un cours de niveau secondaire c’était relativement facile pour moi.

Extrait d'un chapitre: "L'acceptation"

Le plus atroce dans le décès de notre enfant c'est de vivre… la douleur est pénible et indescriptible, la peine est lourde, mais le fait de vivre encore c’est le pire de tout. Je parlais avec une maman qui avait perdu son fils et elle me répétait souvent que certains parents ont la chance d’en perdre la raison, que nous nous ne l'avions pas cette chance et qu'il nous fallait vivre avec l'absence malheureusement. C’est totalement cliché, mais il n’y a rien de plus vrai. Vivre l'absence, le vide.

Pour vivre la vie doit avoir un sens, ou du moins on doit croire qu'elle en a un. Je ne trouvais pas de sens dans son décès.... J’ai enterré une petite boîte blanche contenant la chaire de ma chaire… la vie, le bonheur ca m'intéressait plus, comment aurais-je pu être heureuse sans ma fille.

J’ai faite une dépression qui a duré un bon 6 mois certain. Peut importe ce qui se passait, évènement agréable ou non, j'avais l’impression de perdre mon temps. Je demeurais convaincu que tout était bien inutile. En fait, c'est comme si j'attendais tout simplement de mourir de ma belle mort pour enfin la rejoindre. Rien ne m'intéressait ou ne me touchait. Je passais le temps. Ma mort n'arrivait pas.

Encore une fois, j'ai fait ce qu'il fallait, j'ai pris mes médicaments et j'ai consulté. J'ai guéri ma dépression. Mais pas ma peine. Surtout pas ma peine. Je n’ai pas trouvé le sens de cette mort non plus pour me rétablir. Mon cerveau s'est juste remis à fonctionner correctement et la dépression était finie. Parce que c’est simplement ça une dépression, un cerveau déréglé.

Pour être bien honnête et sans être suicidaire pour autant, j’ai longtemps voulu aller rejoindre ma fille. Même après la dépression, c'était moins fort évidemment, mais j'avais le même sentiment. Ça pris presque 8 ans et bien des évènements avant que je choisisse complètement la vie et que je commence à accepter que Sharly soit où elle est maintenant. Que j'ai un ange qui veille sur nous du haut d'un nuage et parfois d'un peu plus près...

Extrait d'un chapitre: "L'appartement"

Quelques jours voir quelques semaines après nous sommes retourné à notre appartement ma mère et moi pour faire un peu de ménage dans ses choses avant que nous retournions y rester Ian et moi. L’appartement était mort lui aussi, c’est comme ci la terre ne tournait plus à cette endroit. Je crois que ma belle-sœur nous accompagnait également, je ne sais plus. Je me revois assise dans sa chambre à regarder le vide…

Ma mère a lavé ses draps. J’aurais préféré que non, mais c’était mieux comme ça. Nous avons trié certains jouets et vêtements. J’ai mal à la poitrine en repensant à cette visite. Mon dieu que c’était difficile de revoir tous ces petits jouets, de revoir toutes ces petits trésors… c’était plus facile de respirer chez ma mère, car j’étais un peu déconnecté de ma vie d'avant.

C’était quelques semaines avant noël alors nous avons donné pleins de choses pour les paniers des enfants pauvres. J’ai gardé les articles qui étaient ses préférés. J'ai gardé ses cadeaux de noël...

Puis Ian et moi avons fait nos valises et sommes retourné à notre appartement. Je crois que nous ne nous sommes même pas parlé dans l’appartement, chacun vivait dans ses souvenirs. Lorsque j’allais à la toilette je revoyais la céramique blanche encore bleuté par sa petite expérience… Le corridor pour se rendre à l’appartement, les émotions se bousculait tellement que je restais de glace, mais j’avais mal en dedans, c’était physique, c’était intense.

Lorsque nous nous sommes couchés c’est la goutte qui m’a fait paniquer… Je voyais Sharly partout, j’étais incapable de dormir. J’étouffais, j’avais mal, j’avais trop mal. Où était ma fille ? Elle ne pouvait pas, je ne voulais pas être là sans elle. Qu’est-ce que je fais moi encore là à vivre alors qu’elle n’est plus… c’est ma fille, je l’ai porté dans mon ventre, c’est la chair de ma chair. Je ne peux pas l’avoir enterré, je ne peux pas avoir cette petite chambre tout juste à côté sans elle qui y dort paisiblement. C’est un cauchemar je vais me réveillé demain matin et nous en rirons de ce mauvais rêve aux déjeuners tous ensemble.

À minuit, elle n’était toujours pas là…

Nous n’avons pas dormi. J’ai refusé de rester là et d’y dormir sans ma fille…

Nous avons plié bagage et nous avons quitté définitivement l’appartement. Nous y sommes retournés que pour le déménagement seulement.

Nous avons demandé à mes parents de nous héberger à nouveau le temps qu’on retrouve un nouvel appartement, nous voulions résilier notre bail sans plus attendre.

Je me rappelle le jour où nous avions emménagé dans cet appartement sur deux étages avec notre propre cour privée. Nous avions monté une balançoire pour Sharly dans la cour pour lui faire un cadeau de bienvenue au nouvel appartement. Elle l’a aimé instantanément. Je lui ai fait une belle chambre de sirène avec une petite tapisserie sur le mur en forme de vague, sous celle-ci j’avais peinturé un vert turquoise pour faire comme l’océan. Elle aimait sa chambre, elle aimait sa nouvelle maison avec un grand escalier. Le changement de garderie a été un peu plus difficile, mais Sharly ne s’est jamais plaint elle était heureuse partout cette magnifique petite fille toujours souriante.

Une étape du deuil nécessaire....

Dans le deuil on passe à travers plusieurs étapes.

Ma préférée est sans aucun doute celle du déni.

Je dois vous confesser que je suis ce qu'on peut appeler une personne entêtée... ;) et je crois que c'est pour ça que j'ai préférée cette étape. Parce que je me suis acharnée à ne pas reconnaitre les faits, la réalité, la mort.

Je peux vous dire que ma période de déni a duré une bonne année complète, voir même deux. Au début, c'était très intense en moi, un vrai refus catégorique de reconnaître son absence dans ma vie. 

Les chapitres : " pourquoi ? " ; " Incrédule " et " Ma vrai vie " témoignent bien mon émotion de l'époque.

Je viens tout juste de vous les publier.

Comme je suis avant tout une maman dans l'âme depuis ma naissance. C'était inconcevable pour moi que ma fille soit morte. Je ne pouvais que le nier, c'était un mécanisme de défense... non plutôt un mécanisme d'urgence survie pour pouvoir respirer encore... juste un souffle... l'un... après l'autre... sans que ça écrase en dedans.

C'était juste pour me protéger, me préserver.

Quand une année entière se passe sans que le décédé ne revienne... c'est tellement dure.

Après, il ne me restait que mes rêves qui malheureusement s'estompait tranquillement.

Mes repères, mes espoirs tombaient les uns après les autres...



Merci de me lire et n'hésitez pas à partager avec moi

@+


Extrait d'un chapitre: "Ma vrai vie"

Lorsque j’essais de repenser aux émotions que je vivais à cette époque, je ne vois aucune émotion, comme si j’avais le cœur gelé en attendant de digérer la nouvelle. Parfois j’étais juste choquée par l’injustice de la vie. Mais même cette colère ne pouvais s'exprimer.... j’avais mal au ventre, c'était trop fort.

Longtemps j’ai vécu le jour sur le pilote automatique. Je faisais ce que je devais faire, sans émotion, sans joie, sans rien. Juste le minimum et je vivais, la nuit, en rêve. Je rêvais à ma VRAIE vie AVEC ma fille, tel qu'elle aurait dû être. Que j’aimais ces rêves… La nuit, je recommençais complètement ma journée, mais avec elle comme si Sharly n'était jamais partie.

" Qu'est-ce que tu mange ce matin ma chérie ? "

" Viens on va te faire des lulus "

" Qu'est-ce que tu as fait aujourd'hui à la garderie "

" Une dernière glissade et on rentre à la maison, ok "

" Pourquoi maman il y a.... "  " Parce que...."

" Maman fini la vaisselle et c'est l'heure du bain cocotte "

" Oui, ma chérie maman mange des chips et du fromage.... oui Ian aussi en mange, fais dodo là maintenant, il y a la garderie demain "

Des petits coucous de la vie, des choses simples. J’avais du plaisir, je riais et m’amusais. Dans mes rêves avec elle... j’étais vivante. Sans elle, je n'avais pas de vie ou plus tôt, ma vie était un non sens en soi, une aberration.

J’ai fait ces rêves pendant les deux premières années. Ils m’ont tellement fait de bien. Je crois qu'ils m'ont permis d'exprimer et de vivre mon incompréhension, mon refus d'accepter la réalité et du même coup faire avancé mon deuil.

Extrait d'un chapitre: "Incrédule"


Jours après jours, j’étais incrédule. Je m’attendais à me réveiller à tout moment et à me faire dire que c’était des fausses peurs et qu’elle était toujours vivante. Je me suis inventée toutes sortes de scénario...

Ils lui avaient donné un produit spécial pour l'arrêter de respirer durant quelques heures à l'hôpital pour ensuite la réanimer et l'envoyer en Sibérie faire des études mystérieuses sur les enfants... Et Sharly était TOUJOURS EN VIE.

Ou encore...

Une famille de milliardaire qui cherchait désespérément à remplacer leur petite fille blonde décédée avait manigancé un accident pour nous enlever notre fille. Et c'est leur fille que j'ai bercée tout le long à l'hôpital... Et Sharly était TOUJOURS EN VIE.

Mais le pire...

J'ai encore l'image de celui-là et il n'est pas joli, donc je vous fais grâce des détails. Elle était dans le coma et les docteurs ne s'en sont pas aperçus et durant l'embaumement elle s'est réveillée telle une momie... Et Sharly était TOUJOURS EN VIE.

N'importe quoi, sauf la mort. Elle aurait pu être n'importe où, avec n'importe qui, il me semble que c'est moins pire que la mort. La mort c'est la fin. Il n'y a pas de revenez-y, c'est la rupture finale avec la vie.

Je m'excuse pour ceux que ça touche, peut-être que je ne sais vraiment pas de quoi je parle, mais je crois comprendre aujourd'hui pourquoi les parents d'enfants disparus ne peuvent jamais faire leur deuil. Moi j'ai bercée ma fille décédée durant plusieurs heures. J'ai resté à côté d'elle durant tout le service funéraire. Et malgré tout je suis incrédule. J'ai toujours espoir de la revoir, que c'est un cauchemar.

Je m'invente des scénarios qu'elle est vivante quelque part et qu'un jour je vais la retrouver. On va se faire un câlin d'une semaine et plus jamais on va se séparer. Un jour elle va revenir.... un jour elle va revenir dans ma vie.... je vais l'attendre et être bien patiente.... et un jour elle sera avec moi.

Extrait d'un chapitre: "Pourquoi ?"

Comment vit-on après ?

Ma fille est morte.

J’ai 21 ans.

Je ne suis maintenant qu’une simple jeune femme sans enfant.

Du plus loin que je me souvienne, je rêvais d’avoir des enfants… c’était le but de ma vie. J'avais dont hâte de grandir et d'avoir mes vrais bébés à moi. Comment la vie pouvait-elle m’enlever mon rayon de soleil. Injuste, tout simplement injuste ! Je ne veux plus d'enfant. À quoi ca sert si c'est pour risquer de les perdre encore...

Il y a tellement d'enfants dans le monde qui sont malheureux, qui souffrent. Des parents horribles qui les maltraitent... pourquoi elle et pas eux ?

Ça fait trop mal ! C'est.... y'a pas de mot. Il me semble qu'on aurait pu me couché sur le dos m'ouvrir avec un couteau, me sortir toutes les trippes et me laisser là, ca aurait été moins pénible. J'aurais même dit merci.

Je suis vide, j'ai un trou béant dans le ventre.

Mon dieu pourquoi ?

J’ai toujours fait confiance en la vie en sa justice. J’ai toujours pensé qu’en faisant le bien on récoltait de belles choses. Ma vie allait bien, j’étais heureuse dans mon couple, on formait une belle famille recomposée. Nous souhaitions même avoir un autre enfant.

Je ne comprends pas. Pourquoi ?

Perdre un enfant, c’est irréel, on enterre ses parents, pas ses enfants.

J’ai perdu ma fille.

J'ai perdu mon identité de mère.

J'ai perdu ma confiance en la vie.

J'ai perdu ma naïveté.

J'ai perdu mes repères.

J'ai perdu mes intérêts.

J'ai perdu TOUT.

C’est comme si tout ce que je croyais de juste et de normal dans la vie venait de s’écrouler.

Comment peut-on faire des projets et relevé des défis sans confiance qu’il va y avoir un demain et que ce demain sera sûrement beau.

Ça m'intéresse pas de tout façon, je veux ma fille, vous n’avez pas le droit de la garder avec vous, elle est à MOI.

Ouf !!! la première semaine est publiée....

J'ai écris tous ces chapitres (L'horreurLa berceuseLe retourLes rites et les gens, La cérémonie)entre les 11 ans de Sharly et mes 30 ans. Soit en 2007.

Écrire ces évènements a demandé à mes proches de l'énergie et du courage. Ils avaient meilleure mémoire que moi pour la chronologie et les petits détails. Merci. Je ne vous nomme pas, mais sachez vous reconnaître, parce que vous m'avez aidé à passer à travers et devenir ce que je suis. Comme je le dis souvent, j'ai jamais trouvé de positif dans sa mort, je ne crois pas et je me refuse de croire que c'était une bonne chose. Mais je peux reconnaître que j'ai trouvé beaucoup de positif dans son court passage dans ma vie et dans le deuil qui en a suivi. Merci la vie de m'avoir permis de mettre au monde un magnifique soleil et de lui donner la chance de partager encore ma vie à sa façon.


Avant d'écrire sur ces évènements j'étais incapable de repenser à l'hopital, d'entendre quelqu'un parler d'un accident, d'être touché par quelqu'un de mort. Pourtant mon deuil était bouclé selon moi. J'ai écrit la première année de deuil et j'ai rangé mon texte dans le fonds de mon ordi pour sortir ma tête de l'eau. J'avais encore besoin de temps pour nettoyer toute cette souffrance. C'est quand je m'y suis replongé presque 2 ans plus tard que j'ai pu me libérer enfin.

Aujourd'hui je peux vous le partager et je peux même entendre votre souffrance...

Merci la vie d'avoir mis l'écriture sur ma route.

Il fait encore beau soleil aujourd'hui :)



PS: Je vous ai mis une petite photo (ici) si vous regardez bien vous verrez ses orteils encore toutes bleues ;)

Extrait d'un chapitre: "La cérémonie"

L’histoire de Sharly a été médiatisée et a touché beaucoup de gens. Le salon funéraire a été rempli de gens durant toutes les journées de services. Il y avait des fleurs et des témoignages de sympathie partout. Certaines personnes ont été incapables de se rendre au salon.

Moi j’ai resté au pied du cercueil de ma fille tout le long, sans versé une larme et je n’arrêtais pas de lui toucher. J’avais besoin de lui toucher, de touché sa petite main, de caresser sa joue, de flatter c’est cheveux ou de l’embrasser. J'ai immortalisé ce moment, comme celui de l'hôpital et merci mon dieu ces moments précieux sont encore avec moi.

Dans son petit lit blanc je lui ai laissé son ourson Teddy pour qu’il repose près d’elle. Ian lui a mis sa chaîne avec son initial à lui comme pendentif. Il y avait des photos d'elle partout sur elle. Des témoignages de sa vie. 

Lorsque les gens sont parti à la fin du service, je me suis couché la tête sur sa poitrine et je lui ai parlé. Pour moi elle était encore là. J’ai replacé les souvenirs dans le cercueil autour d’elle, j’ai repris mes photos et j’ai laissé le responsable refermer la petite tombe. Nous avons suivi cette petite boîte toute blanche, jusqu’à l’église. Je ne l'ai pas quitté des yeux.

Durant la cérémonie, je n’ai rien vu d’autre que ce petit cercueil blanc, je revoyais encore le service de ma grand-mère avec son cercueil gris tellement plus grand. Il était inconcevable que ma fille, ma propre fille, soit là dans cette boîte massive…. On m’a dit que j’ai pleuré, la marraine de ma fille était à mes côtés avec Ian, tandis que mes parents étaient au banc en arrière de moi. Mon père me tenait les épaules avec émotion et je me rappelle que les gens étaient très émus. Le reste est flous aujourd'hui, il ne me reste que ça et c'est le plus important.

J’ai demandé au curé de faire jouer ‘’ La vie est si fragile ‘’ de Luc de la Rochelière à la fin du service. Je ne voulais pas passé à côté de cette réalité de vie si fragile qui touche tous les gens de tous les milieux. J’avais besoin de sentir que je n’étais pas la seule confrontée à cette dure réalité. Nous étions le 11 novembre 1998, une journée grise et froide, mais assez douce pour nous permettre de l’inhumer au cimetière. C’est incroyable d’être là au service de ma fille de deux ans, sept mois et douze jours. Elle qui était tellement vivante comme petite fille, elle arrivait dans une pièce et tout le monde avait le sourire. Elle était radieuse et dégageait une joie de vie et une énergie positive contagieuse. Un vrai petit ange de plus pour le ciel.


Chanson : Si fragile de Luc de Larochellière




Extrait d'un chapitre: "Les rites et les gens"

J’ai participé à toutes les étapes du processus funéraire, sans réaliser vraiment ce qui arrivait. Les rituels sont bien fait, ils aident à affronter tranquillement le choc, ils nous gardent occupé et nous permettre petit à petit d’entrevoir la perte, j’ai bien écrit entrevoir, car la réalisation de la perte n’était pas pour demain dans mon cas. Ils nous permettent aussi de recevoir l'amour des autres et cet amour nous aide plus tard pour les autres étapes.

Nous sommes allés au salon funéraire, ma mère et moi, choisir le cercueil et le déroulement du service. Mon dieu que les salons funéraire ont une odeur particulière. Quand je repense à cette odeur, j’ai toujours un serrement au cœur et à la gorge même encore aujourd’hui. C’est une autre odeur que je n’oublierais pas. Et il va falloir que ce soit des gens vraiment proche pour que j'y retourne, je m'excuse d'avance.

... petite coupure désolée ... 

Par la suite, nous nous sommes rendus au presbytère et j’ai dû négocier avec le curé pour que ma fille ait une petite cérémonie religieuse, même si elle n’était pas baptisée.

Je n’ai pas voulu la faire baptisé par la religion catholique lorsqu’elle est née, comme moi je l’ai été. Le père de Sharly et moi avions assisté aux cours de préparation au baptême et nous trouvions que ce n’était pas respecter les valeurs de l’église en baptisant notre fille sans croire à cette religion. Pourtant, nous avions tous les deux la Foi. Puis, nous nous sommes séparés lorsqu’elle avait 5 mois et on ne sait jamais reposé la question.

Je trouvais pourtant essentiel d’avoir une cérémonie funéraire à l’église. Mes réflexions de valeurs de l’époque était sans importance maintenant, j’avais de BESOIN d’avoir une cérémonie pour MA fille, j’avais de BESOIN d’entendre qu’elle était un ANGE de Dieu rappelé à lui pour faire du bien sur la terre. C'était PRIMORDIAL. Il ne pouvait pas y avoir LE vide pour célébrer sa mort, il prenait déjà assez de place comme ça. Et mes principes, pfft! Qu'ils aillent au diable ! :)

Ma mère a expliqué au curé qu’étant donné que nous ne l’avions pas fait baptiser elle l’avait baptisée elle-même chez elle. Ma mère n’a jamais compris pourquoi nous ne l’avions pas fait baptiser à l’époque. Je me rappelle que cette décision lui a fait beaucoup de peine, mais j’avais des idéaux et je les respectais. Il n’y avait pas d’autre explication aussi plate soit-elle. Nous avons été honnête devant le curé ma mère et moi et je crois qu’il a compris mes raisons et senti ma Foi. Il a accepté de lui faire une cérémonie des anges partielle, puisqu’elle n’était pas baptisée officiellement. Merci.

Extrait d'un chapitre: "Le retour"

Mes parents ont fait l’annonce à l’ensemble de la famille par une chaîne téléphonique. Je tenais à  téléphoner moi-même à la marraine de Sharly. J’ai demandé à S. le copain de mon amie M. de lui annoncer lui-même la nouvelle. Je n’ai aucun souvenir de ces appels, je ne sais pas comment j’ai fait tout ça, à ce moment-là. Je devais le faire et je l’ai fait tout simplement.

Je ne sais trop ce que j’ai fait ce soir là, je crois que je ne réalisais pas du tout ce qui était arrivé. Il était assez particulier de me retrouver chez mes parents, sans conjoint et sans enfant, de dormir dans mon ancienne chambre seule, terriblement seule ! Tout était comme surréel, c’est comme inconcevable d’imaginer ce qui vient de ce produire que j’ai perdu ma fille. C’est un cauchemar, je vais sûrement me réveillé bientôt.

J’ai malgré tout réussit à dormir avec mes somnifères, son pyjama rose de Winnie, son ourson Teddy et mes larmes.

Ian sorti de l’hôpital le lendemain. Il avait une fracture du nez, une entorse à la cheville, un écrasement du sternum et une commotion cérébrale. Mon beau-frère et mon frère se sont déplacé pour lui, moi j’étais léthargique. Sharly est morte d’une fracture du crâne et d’une fracture de la colonne cervicale accompagnées de multiples hémorragies de l’abdomen.

Nous nous sommes plus ou moins parlé et collé durant les premiers jours, Ian avait de la peine et se sentais coupable. Moi j’étais envahi par ma peine et je ne voyais rien d’autre. Nous avions chacun nos émotions à vivre et le choc ne s’encaissait pas de la même façon pour nous deux. De toute façon au début nous avons même fait un peu chambre à part… sans rapport avec notre affection. Simplement parce qu'il avait une fracture du nez et sentait le sang.... Vous savez cette odeur indescriptible, inoubliable. Les docteurs lui avaient mis des genres de tampons géants dans le nez qui l'obligeait à respirer par la bouche. La première nuit de son retour, lorsque j’ai mis le pied dans la chambre où il dormait déjà... le sang… ça sentait juste le sang… un coup de poignard droit dans le cœur. J'ai ressenti l'horreur de l'hôpital, j'ai entendu le docteur... j’ai préféré dormir sur le divan dans le salon.

Extrait d'un chapitre: "La berceuse"

Je suis entrée dans la petite salle… ma mère la berçait en tenant sa petite main. Mon dieu ! Mon bébé !!!

Une odeur de sang m’a rempli le nez, une odeur indescriptible impossible à oublier. Qui est gravé dans ma mémoire.

Je l’ai prise dans mes bras, il y avait une chaise berçante et je l’ai bercé.

Pour être avec elle, pour lui dire au revoir. Pendant des heures je l'ai bercée, le temps s’était arrêté.

Sa main était toute chaude, son petit corps si froid et si meurtri.

Je n’ai pas versé de larmes. Je n’avais pas le droit, j’étais là pour elle, j’étais avec elle pour la dernière fois... 

Ma fille avait deux ans, sept mois et douze jours. Elle était née au moment précis où le soleil se levait par un beau jour de printemps. Elle était comme le rayon de soleil et réchauffait le cœur. Elle avait de magnifiques yeux bleus pétillant, elle était bien plus sage que son âge et avait dont hâte d’avoir 3 ans pour être grande enfin.

Ma tante m’a raconté les détails de l’évènement, mes parents et ma tante se suivaient de peu sur l’autoroute, la famille de mon père s’était réunie à Québec pour le week-end et chacun s’en retournait chez eux. Ils étaient arrivé sur les lieux de l’accident parce qu’ils suivaient sans le savoir la même route que Ian. Ma tante étant infirmière, elle a été le premier secours sur place et a fait les premier soins à ma fille, mais il n’y avait rien à faire elle n’avait pratiquement pas de pouls, elle avait une sérieuse blessure au crâne et ma tante est certaine d’avoir entendu son dernier souffle. Après le départ des ambulances, mon oncle et ma tante ont attendu mes parents sur le côté de l’autoroute. Il y avait un bouchon de circulation causé par l’enquête, mes parents sont finalement arrivés sur les lieux et ils ont aperçu mon oncle et ma tante qui leur faisait des grands signes. Je ne sais trop ce qu’ils se sont imaginés à ce moment-là.

Ma tante leur a dit : ‘’ Martine, c’est ton gendre, il a eu un accident’’

‘’Geneviève était-elle avec lui ?’’

‘’Non, mais Sharly oui, fait vite, c’est grave…’’

Ma mère m’a dit, lorsque nous en avons rediscuté dernièrement, qu’elle était certaine qu’il y avait un mort dans l’accident, elle l’avait pressenti, sans savoir que l’accident était celui de Ian. Avant d’arrivée sur les lieux, ils écoutaient le radio amateur et les camionneurs discutaient de la voiture emboutie et de l’accident. Ils répétaient tous qu’il ne devait pas rester grand-chose des occupants de cette petite voiture.

Ma mère dit ne pas se rappeler d’avoir vue l’auto, mais elle revoit très bien le banc de Sharly qui était à l’extérieur et d’un tas de linge, probablement les restes du manteau. Durant le trajet, ma mère était très inquiète et répétait à mon père que Sharly était morte. À l’hôpital, lorsqu’elle a demandé à voir Sharly et Ian, ils ont dit de patienter dans la salle, parce que les patients venaient tout juste d’arriver, ma mère a répété à mon père que Sharly était décédée, puisqu’on ne pouvait la voir et qu’il fallait attendre le médecin.

Mon père a quant à lui un très bon souvenir de la voiture et particulièrement du toit au niveau du banc arrière, qui était complètement écrasé. Lui aussi croyait que l’accident était très grave.

Je berce toujours ma fille, je suis bien avec elle, figée dans le temps. J’écoute cette histoire, mais c’est comme un compte rendu de roman savon qu’on me raconte, pas l’histoire de la fin de ma fille...

Elle a ses petits pieds nus, il y a deux ongles d’orteils qui sont encore tacheté de bleu de méthylène…

Je souris en repensant à cette journée où tout était bien tranquille dans la maison quand tout à coup nous avons entendu un cri provenant de la salle de bain. Ian et moi avons accouru voir Sharly… Mon dieu, nous avons tellement rit… Sharly étant très curieuse et elle avait fouiné sous l’évier de la salle de bain. Elle avait ouvert et renversé la bouteille de bleu de méthylène qui était pratiquement pleine. Elle en avait sur les orteils et le plancher de céramique blanche était maintenant bleu. Nous n’avons pas eu besoin de la disputé… de tout façon nous étions tellement tordu de rire… Malgré tout elle a eu une bonne leçon, car elle a eu tellement peur de resté toute bleue… comme les schtroumpfs.
 
J’en ai tellement des bons souvenirs d’elle… mon dieu qu’elle est jolie ses petits doigts sont si mignon. On dirait qu'elle dort. Dors mon bébé, maman veille sur toi. Je t'aime mon amour. Comme tu es déjà grande. Dire qu'avant tu étais dans mon ventre. Dieu qu'on a vécu des choses ensembles. Tu es si belle.

Après je ne sais trop combien de temps, là figé dans le temps avec mon petit ange, je me suis spontanément mise au mode gestion de crise avec une lucidité et une froideur remarquable, j’ai demandé à mon père de rejoindre le père de Sharly pour lui demander de venir voir sa fille.

J’ai demandé si on pouvait donner ses organes. On m’a dit que dans son cas il n’y avait que les yeux qui étaient viable. Ils sont venus mettre un produit dans ses yeux. Elle avait tellement des beaux yeux bleus, j'espère qu'ils vont faire le bonheur de quelqu'un.

Puis, je me suis intéressé à Ian.

Ian a failli y rester lui aussi, la voiture a fait des tonneaux sur 150 pieds, mais dans plusieurs sens… lorsque la voiture à rencontrer le bout du garde-fou, l’arrière s’est soulevé et l’auto s’est retrouvée à l’envers après plusieurs tonneaux. Au premier tonneau elle a retombé sur le garde-fou au niveau du miroir du conducteur, soit à un pied ou deux de la mort probable de Ian.

Il n’était pas loin dans un lit de la salle d’observation, seul, on ne lui avait pas dit, mais il savait. Il m’avait entendu crier.

‘’Je m’excuse… je m’excuse… ’’ m’a-t-il dit.

Mais il s’excusait pour rien, je ne lui en voulais pas. C’était un accident, il ne le souhaitait pas. Comment aurais-je pu lui en vouloir, il avait autant de peine que moi.

Ian a refusé de voir Sharly à l’hôpital, j’imagine qu’il s’en voulait terriblement.

La mère de Ian est arrivée. Je l’ai laissé entre ses mains, avec sa peine. J’ai dit adieu à ma fille une dernière fois et ma mère et mon père m’ont ramené chez eux avec une jolie prescription de somnifères. Il faisait noir à notre départ de l’hôpital.

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